ADAMS (H. B.)

ADAMS (H. B.)
ADAMS (H. B.)

Un arrière-grand-père, John Adams, un grand-père, John Quincy Adams, présidents des États-Unis; un père, Charles Francis Adams, ambassadeur à Londres pendant la guerre de Sécession: une telle généalogie fait comprendre l’homme. Henry Adams appartient à la première first family des États-Unis. Et le fait qu’il n’ait à aucun moment exercé quelque pouvoir explique ce sentiment de l’échec dont il fait le thème essentiel de son œuvre. Mais si Henry Adams a «échoué» sur le plan politique, il est devenu l’un des écrivains les plus originaux de son pays.

Sa vie

Il est né à Boston le 16 février 1838. Après des études à Harvard (1854-1858), il séjourne en Allemagne, puis, de 1861 à 1868, il est le secrétaire particulier de son père à l’ambassade des États-Unis à Londres; après s’être essayé au journalisme politique à Washington, il accepte, en 1870, sur les instances de sa famille, une chaire d’histoire du Moyen Âge à Harvard. Sans préparation – ni vocation particulière –, il s’affirme comme un excellent professeur, l’un des tout premiers des États-Unis à avoir eu recours à la formule du séminaire. En 1872, il a épousé Marian Hooper, de Boston; ils n’ont pas d’enfants. Quand on lui confie, en 1877, les papiers d’Albert Gallatin, ministre des Finances de Jefferson, il démissionne et s’installe à Washington. La biographie de Gallatin (4 vol., 1879), celle de John Randolph, politicien de la même époque (1883), puis l’Histoire des États-Unis d’Amérique sous les présidences de Thomas Jefferson et James Madison (9 vol. publiés entre 1884 et 1891) vont occuper ces années. Adams écrit aussi deux romans qui resteront longtemps anonymes: Démocratie (1880), peinture de la décadence des mœurs politiques, et Esther (1884), sur la régression des valeurs religieuses. Marian Adams a servi de modèle pour l’héroïne de ce dernier livre dont Adams dira qu’il l’a «écrit avec le sang de son cœur». En décembre 1885, Mrs. Adams, très affectée par la mort de son père, se suicide. L’Histoire des États-Unis sitôt terminée, Adams se lance dans une série de voyages, d’abord vers l’Orient et dans les mers du Sud, en compagnie du peintre John La Farge; il écrit un livre sur l’histoire de Tahiti, qui paraît en 1893. Il mène ce qu’il appelle son existence «posthume», vie en réalité de plus en plus intensément imaginative, surtout après sa découverte de Coutances, du Mont-Saint-Michel et de Chartres en 1895. Il prend l’habitude de passer une moitié de l’année en France. Une autre femme, Mrs Cameron, est entrée dans sa vie. En 1904, il publie à compte d’auteur Mont-Saint-Michel et Chartres , puis, pour servir de pendant, L’Éducation de Henry Adams (1907). En 1910, dans Une lettre aux professeurs d’histoire américains , il expose ses théories sur l’histoire. Ses dernières années sont marquées par sa passion pour les chansons françaises du Moyen Âge. Il meurt à Washington le 26 mars 1918.

Son œuvre

Son œuvre est aussi riche que variée, mais on y retrouve toujours un même schéma qui est, présentée sous telle ou telle forme, l’histoire de la faillite d’un grand élan idéaliste. Quelles que soient les qualités de ses autres ouvrages, et en particulier de l’Histoire des États-Unis (remarquable tant sur le plan de la documentation que sur celui de l’interprétation psychologique), c’est surtout par Mont-Saint-Michel et Chartres et l’Éducation qu’Adams intéresse. Le sous-titre Clefs du Moyen Âge français , ajouté par l’éditeur de la traduction française du Mont-Saint-Michel , est erroné. Pour décrire les monuments, Adams s’est surtout contenté de compiler des monographies spécialisées, en se trompant à l’occasion de pages. Loin d’être un livre d’érudition ou un guide, Mont-Saint-Michel et Chartres apparaît comme un ouvrage essentiellement personnel, très fortement marqué, en particulier, par l’antisémitisme de l’auteur.

Principal personnage, la Vierge est modelée à la fois sur Marian Adams et sur Mrs. Cameron. L’ensemble, qui comprend de belles pages sur les vitraux, est une excellente reconstruction imaginative du XIIIe siècle, où le monde chrétien, à l’époque des bâtisseurs de cathédrales, a connu sa plus parfaite unité. La société, pour Adams, n’a depuis cessé de décliner.

S’inspirant de l’ouvrage de son frère Brooks Adams, The Law of Civilisation and Decay (1895), et cherchant à transposer dans le domaine de l’histoire des théories thermodynamiques aujourd’hui dépassées de lord Kelvin sur la dégradation de l’énergie, il va dans L’Éducation de Henry Adams peindre la «multiplicité» ou encore le «chaos» du monde moderne. L’un des intérêts de ce livre est l’arrière-plan historique. Si les années couvertes par le récit vont de 1838 à 1904, l’auteur, de par sa position familiale privilégiée, a toujours, ainsi qu’il le dit, cent cinquante années d’histoire derrière lui, cependant que, grâce à la lucidité de sa vision, il prévoit de nombreux événements du XXe siècle. Très proche, par son art du portrait, du Flaubert de L’Éducation sentimentale , il l’est aussi par son rejet du moi. Évitant systématiquement tout emploi de la première personne, il présente son propre personnage comme un simple «mannequin» sur lequel se drape l’«éducation», c’est-à-dire les expériences qu’offre la vie. Parmi ces expériences, celles qui ont un caractère trop privé disparaissent. Aucune mention n’est faite de Marian Adams ou de Mrs. Cameron. Malgré ces silences, peu de livres se révèlent aussi personnels que celui-ci où se découvre le profond désarroi d’un homme devant le monde moderne. Ballotté par l’éducation, le mannequin tient déjà du héros de Hemingway «à qui les choses arrivent». Sans doute faut-il voir là l’une des raisons de la vogue qu’à connue l’Éducation après la Première Guerre mondiale. Mais, autant qu’elle annonce la littérature moderne, l’œuvre s’inscrit dans la ligne de Faust , de Moby Dick , décrivant une même poursuite de l’absolu. Le «mannequin» Adams devient Adam, l’homme éternel aux prises avec la condition humaine. Malgré son pessimisme foncier, l’auteur est hanté par le besoin d’espérer. Aussi bien pour l’intérêt de l’arrière-plan et du récit «autobiographique» que pour la qualité du symbolisme (Adams a le sens des images et son recours aux théories de lord Kelvin possède une valeur essentiellement poétique), l’Éducation est l’un des plus grands «classiques» de la littérature américaine.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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